CAMÉES

CAMÉES
CAMÉES

Dans la glyptique, qui est l’art de graver les pierres fines, il faut distinguer deux techniques: l’une qui consiste à graver les pierres en creux, l’autre qui consiste à les graver en relief. La première de ces techniques produit les intailles ou pierres gravées; la seconde, les camées .

Le camée n’a pas été, chez les Anciens, distingué avec précision des pierres fines en général et même des œuvres qui étaient gravées en relief sur d’autres matières que des pierres fines. Chez les Grecs, les camées étaient englobés dans la désignation générale de晴礼晴, ou parfois appelés 精羽神礼晴 﨎‘ 塚塚﨎塚凞羽猪猪﨎益礼晴. La même imprécision se retrouvait à Rome, où le terme de gemma était employé pour signifier une gemme à l’état naturel, sans égard à la gravure de celle-ci, qu’elle fût en creux ou en relief. De même, les mots ectypae sculpturae , ectypae imagines , employés par des auteurs latins, s’appliquaient indifféremment à des œuvres sculptées sur le marbre ou sur la terre cuite comme sur des pierres fines. Pline, voulant désigner des pierres fines plus particulièrement propres à la gravure des camées, écrivait: «Hae sunt gemmae quae ad ectypas sculpturas aptantur » (Pline, XXXVII, 173) («Telles sont les gemmes propres à la gravure ectype », c’est-à-dire en relief ); et Sénèque, quand il parla du camée du préteur Paulus, qui représentait le portrait de Tibère, écrivit: «Cenebat Paulus Praetorius in convivio quodam imaginem Tib. Caesaris habens ectypa et eminente gemma » (De Beneficiis , III, 26,1) («L’ex-préteur Paulus participait à un banquet, portant au doigt un camée en relief qui représentait Tibère César»).

Le terme moderne de camée, emprunté de l’italien cameo , est de même origine que camaïeu. Les camées étant le plus souvent gravés sur des agates à plusieurs teintes superposées, l’artiste tirait parti de la polychromie naturelle de la pierre pour donner à son sujet, au moyen des couches multicolores, l’aspect d’un camaïeu où jouaient des teintes tantôt éclatantes, tantôt atténuées ou mourantes.

Le camée peut encore, par extension, être appelé coquille quand on remplace les pierres dures par des coquilles d’une matière plus tendre.

La gravure des camées

Matière

Toutes les pierres que les Anciens désignaient par les noms de晴礼晴 精晴猪礼晴,晴礼晴 神礼凞羽精﨎凞﨎晴﨟, ou gemmae , n’étaient pas propres à la glyptique.

Les pierres précieuses, telles que le diamant ou les corindons, restaient, à cause de leur dureté, des pierres de joailliers plutôt que de lithoglyphes, malgré la découverte de la taille du diamant, au XVe siècle, par Louis de Berquem, et les essais de quelques artistes de la Renaissance qui ont gravé des camées sur des diamants: le plus fameux est le portrait de l’infant don Carlos qui rendit célèbre son auteur Clément Birago.

Les lithoglyphes pouvaient choisir, dans la gamme des pierres fines et demi-fines, translucides ou opaques que leur offrait la nature, les pierres siliceuses ou argileuses et les oxydes métalliques, plus aptes à recevoir une gravure fine et d’un beau poli que le diamant ou les corindons. Les pierres siliceuses les plus recherchées étaient les variétés de quartz: les quartz hyalins , les quartz semi-translucides , les quartz compacts. Dans les quartz hyalins, il y a eu peu de variétés qui furent choisies pour graver des camées, sauf les améthystes, les émeraudes, les grenats et, quelquefois, les fausses topazes; ce fut parmi les quartz semi-translucides, dont les variétés sont groupées sous le terme générique d’agate, que furent gravés les plus beaux camées. Les agates sont des gemmes qui se rencontrent dans la nature à l’état concrétisé, sous forme de rognons ovoïdes formés de sédiments de matière siliceuse. Ces gemmes étaient recueillies par les Orientaux et les Grecs dans les fleuves et les torrents de la Crète, de Chypre, de Rhodes, de Lesbos, de la Thrace, de la Phrygie, de la Perse, de l’Inde et de l’Égypte. Les Romains les recueillaient en Sicile dans le fleuve Achates qui a donné le nom à cette gemme: «... achates [...] reperta primum in Sicilia juxta flumen ejusdem nominis. » (Pline, XXXVII, 139) («... l’agate [...] découverte pour la première fois en Sicile tout près du fleuve du même nom.»)

Il faut distinguer, en glyptique, deux sortes d’agates: celles qui ont dans leur structure interne plusieurs couches superposées et diversement colorées et celles qui sont monochromes. Les premières forment les différentes variétés de l’onyx, dont la sardonyx est la plus recherchée par les graveurs de camées parce qu’elle est la plus belle. Les plus beaux camées antiques et modernes sont en sardonyx à trois couches: bleu foncé ou brun, blanc laiteux et rouge fauve. Certaines sardonyx peuvent avoir quatre, cinq, et même six couches de teintes différentes alternant: brune, blanche, rousse.

Le nom de nicolo est donné fréquemment aux agates qui ont une couche bleuâtre entre deux couches noires ou brunes.

Sont encore utilisées pour graver des camées les agates à couches orbiculaires; les agates arborisées ou mousseuses, qui renferment dans leurs cristallisations des dessins naturels; la calcédoine, la sardoine ou sarde, appelée cornaline quand elle est rouge. Parmi les agates monochromes et semi-translucides il faut citer l’opale.

Dans les quartz compacts, les gemmes les plus fréquemment gravées en relief, notamment par les Byzantins, en Allemagne, et au Moyen Âge, furent la serpentine, la stéatite et la pierre lithographique. Les graveurs de camées ont utilisé encore des pierres naturelles formées de substances métalliques telles que l’hématite.

Technique

La technique de la gravure en pierres fines, que celles-ci fussent gravées en creux ou en relief, requérait les mêmes connaissances de la part du graveur, et l’utilisation des mêmes outils. Cette technique concerne donc l’art de la glyptique.

Toutefois, il n’est pas inutile de savoir qu’un lithoglyphe, pour graver un camée, travaillait autant de temps qu’il en fallait pour construire une cathédrale: «La poudre de diamant, l’émeri et même le tripoli mordaient les pierres fines par le frottement, non pas comme la lime ronge le fer, mais comme la goutte d’eau creuse le rocher.»

Les camées antiques

En Grèce

Le scarabée égyptien était la forme primitive et embryonnaire du camée proprement dit. Ce sont les Égyptiens et les Orientaux qui ont appris aux Grecs à graver en relief des gemmes de cristal, de cornaline et de jaspe; mais, si le procédé technique du camée est issu de la glyptique pharaonique, c’est aux Grecs qu’il appartiendra, en s’affranchissant des modèles égyptiens, de devenir des novateurs dans l’art de graver les pierres fines. Aux carapaces de scarabées, les Grecs substituaient des masques de Silène, des têtes de Gorgone, de nègre, des animaux, qui rappelaient, par le galbe général seulement, la forme scarabéoïdale traditionnelle. Du VIIe au IVe siècle avant notre ère les camées furent monochromes; au IVe siècle, la gravure des pierres fines, participant à la période de splendeur qui s’ouvrait pour la Grèce, subit une transformation; le lithoglyphe grava sur des agates de plusieurs couleurs de véritables bas-reliefs en miniature, sur lesquels il multiplia les personnages, traduisant les épisodes les plus compliqués de la mythologie. Les dimensions, la forme des gemmes, le style et le choix des sujets se transformèrent. Le plus habile des graveurs en pierres fines fut Pyrgotèle. Bien que, dès le VIe siècle, les lithoglyphes grecs aient signé leurs œuvres, il n’est resté aucune gemme signée de cet artiste.

À Rome

Les Romains avaient connu de toute antiquité les gemmes taillées, mais ce ne fut qu’au cours du Ier siècle avant notre ère qu’ils recherchèrent les gemmes gravées en relief, dont les premières furent connues grâce à la dactyliothèque (écrin de pierres gravées et de camées) de P. Aemilius Scaurus, beau-fils de Sylla, et à la collection de joyaux et de camées de Mithridate, déposée par Pompée dans le temple de Jupiter Capitolin.

La beauté des camées, l’émerveillement qu’ils éprouvèrent devant ces pierres fines de plusieurs couleurs, incitèrent les Romains à faire venir des agates à plusieurs couches d’Égypte, de Grèce, d’Asie Mineure, d’Arabie et de l’Inde, ainsi que des artistes capables de les graver. L’art des camées, comme celui de l’orfèvrerie gemmée, était pour Rome un luxe d’emprunt fait à la Grèce et à l’Orient. Les artistes, invités à venir travailler à Rome, signèrent leurs œuvres en grec ; un des plus illustres de ces lithoglyphes fut Dioscoride, dont le nom a dominé le siècle d’Auguste; un camée conservé à Berlin porte sa signature.

Chez les Byzantins

Quand Constantinople devint capitale de l’Empire, les joyaux dont Rome s’était enrichie aux dépens des Grecs reprirent le chemin de l’Orient. Les camées comme les pierres gravées vinrent enrichir les trésors des églises de Constantinople; dépouillés de leur sens païen, ils furent adaptés au culte chrétien. Cette adaptation, le Moyen Âge occidental la pratiquera sans scrupule. Ainsi devait-on reconnaître dans des épisodes de la mythologie païenne, gravées sur des camées antiques, telles scènes bibliques ou évangéliques.

Les camées modernes

Au Moyen Âge

La chute de l’Empire romain a marqué la décadence de la glyptique en Occident; dès la fin du IVe siècle, on ne gravait plus de sardonyx à couches multicolores. Un art d’exécution facile apparut qui répondait aux mêmes usages décoratifs, ce fut celui de la gravure sur verre, qui a été particulièrement florissante sur les bords du Rhin. Les artistes de l’époque franque gravaient, en creux ou en relief, sur verre moulé, clair ou opaque, des figures, des scènes païennes ou chrétiennes. Au IXe siècle, sous les successeurs de Charlemagne, il y eut une renaissance de la glyptique qui intéressa uniquement l’art de la gravure en creux sur cristal de roche; aux XIIIe et XIVe siècles, les inventaires des joyaux, notamment celui de Jean duc de Berry, énumèrent des camées à sujets chrétiens, tels que: «l’Annonciation, Nostre Dame, l’Ymage de Nostre Dame tenant son enfant, etc.». Ce fut au XVe siècle que des camées furent gravés sur coquille.

L’exemple des empereurs byzantins qui avaient transformé les œuvres païennes de la glyptique en œuvres chrétiennes fut suivi par l’Occident, qui transforma les gemmes antiques en pieux ex-voto, utilisés dans la décoration des croix, des châsses, des reliquaires, des couvertures de manuscrits liturgiques.

Chaque camée devint relique de l’Ancien ou du Nouveau Testament. En même temps, la plupart de ces camées prirent aux XIVe et XVe siècles un caractère magique et surnaturel; on attribuait aux agates irisées, notamment, une puissance miraculeuse contre les maladies physiques et morales. De là la préoccupation de dépister les faux, faits en pâte de verre, qui étaient dépourvus des dons bénéfiques attribués aux vraies pierres, portées en amulettes.

À la Renaissance

La richesse en camées de la Renaissance italienne, française et allemande, fut remarquable. En Italie, dès la première moitié du XVe siècle, des mécènes dont le plus illustre fut Laurent de Médicis firent copier et imiter les gemmes antiques; les collections particulières formées à Rome qui renfermaient des camées étaient nombreuses. Au XVe siècle, chaque ville d’Italie avait ses graveurs en pierres fines, dont la préoccupation était de graver aussi bien que les Anciens et même de les surpasser. Le génie d’imitation des artistes italiens fut tel qu’il était bien souvent impossible de distinguer leurs ouvrages de ceux de l’Antiquité.

En France, François Ier fit venir un des meilleurs graveurs italiens, Matteo dal Nassaro, de Vérone, qui avait une habileté particulière à tirer parti des différentes couches de gemmes. Toutes les grandes collections de camées et d’intailles de France, d’Italie et d’Allemagne conservent des œuvres des artistes italiens des XVe et XVIe siècles, qui furent presque tous sculpteurs, médailleurs, orfèvres en même temps que lithoglyphes.

Les camées depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours

Après la mort d’Henri IV, la glyptique cessa d’être encouragée en France; ce fut à la cour d’Autriche que quelques graveurs italiens poursuivirent cet art. Au XVIIIe siècle en Italie, de nombreux artistes se consacrèrent à la gravure en pierres fines. En France, l’époque de Mme de Pompadour doit être considérée comme celle de la splendeur de la glyptique moderne, dont Jacques Guay incarna, à lui seul, l’apogée de la gravure en pierres fines. Il fut le digne émule de Pyrgotèle, de Dioscoride, de Valerio Vicentini. Depuis le XIXe siècle, le goût du grand public s’étant détaché de cette forme d’art, la gravure en pierres fines ne connaît plus cet engouement qui s’était manifesté pour la glyptique dans l’Antiquité, à la Renaissance et sous Louis XV. Cependant, après Jacques Guay, quelques artistes ont perpétré l’art de la glyptique, tant en ce qui concerne la gravure des pierres fines, en creux, que l’art des camées proprement dits. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, plusieurs artistes exécutèrent des camées; notamment Mayer Simon, désigné sous le nom de Simon de Paris pour le distinguer de son frère le chevalier Jean-Henri Simon.

De Mayer Simon, élève de Jacques Guay, on possède un camée représentant Jupiter et Antiope, signé: Simon F.; du chevalier Jean-Henri Simon, plusieurs camées ont été exposés à l’Exposition de 1799. Notamment, un très beau portrait de Démosthène en buste sur une agate onyx, ainsi qu’une tête de femme, et un Amour navigateur.

Au Salon de 1800, à côté du chevalier Simon, Romain-Vincent Jeuffroy, orfèvre et médailleur, exposait trois camées: une bacchante sur sardoine à trois couches; un portrait en buste de Napoléon Bonaparte sur une agate onyx à deux couches; un portrait de Napoléon Ier de face, sur sardoine à deux couches.

À l’Exposition universelle de 1878, M. Garreau exposait des coupes taillées. Enfin, Adolphe David devait réaliser le plus grand camée de l’époque moderne, «L’Apothéose de Napoléon Ier», sur une sardonyx (0,24 m 憐 0,22 m). À l’Exposition universelle de 1867, il avait exposé un camée: «Vénus résistant à l’Amour»; et plus tard à l’Exposition universelle de 1889, la nymphe Amalthée. Ces pièces témoignent de l’intérêt que des artistes de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle ont attaché à l’art des camées.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Émaux et Camées — is a collection of poetry by French poet Théophile Gautier. Originally published in 1852 with 18 poems, Émaux et camées grew to include 37 poems in later editions. Whereas Gautier s earlier work was more concerned with romantic aestheticism, the… …   Wikipedia

  • Émaux et Camées — Recueil de 37 poèmes octosyllabiques publié en 1852, Émaux et camées est le sommet de l art poétique de Théophile Gautier. Alors que ses premières pièces relevaient de l esthétique romantique (La comédie de la mort, España) Gautier évolue de plus …   Wikipédia en Français

  • Emaux et Camees — Émaux et Camées Recueil de 37 poèmes octosyllabiques publié en 1852, Émaux et camées est le sommet de l art poétique de Théophile Gautier. Alors que ses premières pièces relevaient de l esthétique romantique (La comédie de la mort, España)… …   Wikipédia en Français

  • Emaux et camées — Émaux et Camées Recueil de 37 poèmes octosyllabiques publié en 1852, Émaux et camées est le sommet de l art poétique de Théophile Gautier. Alors que ses premières pièces relevaient de l esthétique romantique (La comédie de la mort, España)… …   Wikipédia en Français

  • Émaux et camées — Recueil de 37 poèmes octosyllabiques publié en 1852, Émaux et camées est le sommet de l art poétique de Théophile Gautier. Alors que ses premières pièces relevaient de l esthétique romantique (La comédie de la mort, España) Gautier évolue de plus …   Wikipédia en Français

  • Musée du corail et des camées — Le musée du corail et des camées, appelé aussi musée Liverino, est un musée consacré au travail du corail dans le monde, du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Il est situé au numéro 61, via Montedoro à Torre del Greco, dans la province de… …   Wikipédia en Français

  • Châsse des rois mages — 35° 02′ 12″ N 81° 38′ 54″ W / 35.03669, 81.64845 …   Wikipédia en Français

  • Châsse rois Mages — Châsse des rois mages Châsse des Rois Mages dans le chœur de la cathédrale de Cologne La châsse des rois mages de Cologne (en allemand Dreikönigenschrein) est un reliquaire conservé dans la cathédrale de Cologne. Orfèvre : Atelier de Nicolas …   Wikipédia en Français

  • Dreikonigenschrein — Châsse des rois mages Châsse des Rois Mages dans le chœur de la cathédrale de Cologne La châsse des rois mages de Cologne (en allemand Dreikönigenschrein) est un reliquaire conservé dans la cathédrale de Cologne. Orfèvre : Atelier de Nicolas …   Wikipédia en Français

  • Dreikönigenschrein — Châsse des rois mages Châsse des Rois Mages dans le chœur de la cathédrale de Cologne La châsse des rois mages de Cologne (en allemand Dreikönigenschrein) est un reliquaire conservé dans la cathédrale de Cologne. Orfèvre : Atelier de Nicolas …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”